mardi 28 septembre 2010

Marika Green, Robert Bresson, Anne Wiazemsky, le cinématographe et les modèles.

Avez-vous vu Marika Green sur la video de mon post précédent? Elle m'a bouleversé. Je n'ai pu trouver que peu de choses sur elle mais par ricochet, je me suis intéressé à Robert Bresson grâce à Anne Wiazemsky.
Dans son livre: Jeune fille, elle raconte l'aventure du tournage du film "Au hasard Balthazar" dont elle fut l'interprète principale en 1966 à l'âge de 17 ans. Petite fille de François Mauriac, elle rencontre Bresson grâce à une de ses amies qui avait déjà tourné un film avec lui. Elle raconte comment cet homme déjà mûr essaye et parfois parvient à la manipuler de telle manière qu'elle devienne l'âme de son film. Il essaye de la séduire et elle est troublée. Elle sent qu'elle ne pourra lui résister que si elle parvient à perdre sa virginité au cours du film. Ce qu'elle réussit à faire...
Durant le tournage, la presse s'intéresse au prochain film de Bresson, et la photo d'Anne paraît en couverture d'un magazine très connu. Et c'est ainsi que Jean-Luc Godard débarque un jour sur le tournage prétextant vouloir rencontrer le maître dont il admire le travail... Tout cela pour approcher Anne dont il deviendra le mari quelques années plus tard.
Ce livre m'a captivé comme vous pouvez vous en douter. On sent que Bresson a des côtés sale bonhomme mais qu'il réussit à dompter ses instincts pour tout donner à son film. C'est quelqu'un qui cherche la vérité dans le cinéma qu'il préférait nommer cinématographe car pour Robert Bresson, le cinéma n'est que du théâtre filmé. D'après lui, les acteurs jouent, font semblant, mais ce qui est admis au théâtre, saute aux yeux à l'écran. C'est pourquoi il préférait utiliser des amateurs qu'il faisait répéter inlassablement pour arriver à les détacher de toute envie de "jouer" pour simplement "être" devant la caméra. Parfois il échoue mais lorsqu'il réussit, c'est tout simplement miraculeux. Pour lui ce n'était pas des acteurs mais des modèles, comme en peinture. (Les acteurs jouent et les modèles vivent.)

J'ai lu également les "notes sur le cinématographe" de Robert Bresson dont la préface éclairée est signée Le Clézio. Autant de pépites sur lesquelles méditer et que je reprends à mon compte en grande partie.
Exemples:
Modèles. Tu en fixeras l'image intacte, non déformée par son intelligence, ni par la tienne.
Bien tracer les limites dans lesquelles tu cherches à te laisser surprendre par ton modèle. Surprises infinies dans un cadre fini.
Vaincre les puissances fausses de la photographie.
En nu, tout ce qui n'est pas beau est obscène.
Etc, etc... Des pépites vous dis-je...

Le 20 octobre, c'est le vernissage VIP du salon Art Élysée où j'exposerai comme je vous l'ai annoncé. Et que vois-je sur l'invitation?
Exposition: "Green : regards photographiques" sur une proposition de de Marika Green.

Marika Green
Robert Bresson
Anne Wiazemsky
Jeune fille

7 commentaires:

Zocat a dit…

"Les acteurs jouent et les modèles vivent."
je m'inscris en faux. rien ne peut être plus faux que la pose d'un modèle.

quant à "Tu en fixeras l'image intacte, non déformée par son intelligence, ni par la tienne." que je trouve déjà plus intéressante, je lui préfère l'idée qu'il n'y a acte cinématographique que lorsque réalisateur et acteurs sont transformés par le fait même de filmer/être filmé.

l'idée d'une "image intacte" laisserait entendre l'existence d'une forme objective... la belle affaire...

mais tu me connais, je ne peux pas m'empêcher de ne pas être d'accord avec toi ;)

Anonyme a dit…

L'anecdote de virginité me fait penser à celle d'Annaud avec "Le nom de la rose"...

Hubert de Lartigue a dit…

Je crois que Bresson se sert de "modèles" comme le peintre se sert de peinture et non pas de la façon dont les peintres se "servent" de modèles. Sa matière picturale c'est les
acteurs et c'est le film qui est le tableau. L'analogie avec les peintres s'arrête à l'utilisation, ici détournée, du mot modèle.
Non, je pense qu'il veut qu'on croie vraiment à l'histoire en ressentant ce que vivent les "personnages" à l'écran, comme on croit, dans un livre, à la vie des "personnages" du roman car ceux-ci n'existent pas hors de l'œuvre. Et c'est vrai qu'au cinéma, j'ai souvent été plus ému à la vision de films d'animations car le destin des personnages est lié au film. Di-Caprio n'est pas mort dans Titanic mais la maman de Bambi est VRAIMENT morte elle. Tu apprécies mes références?
Entre parenthèse, et pour rester sur Cameron, cela peut expliquer l'incroyable succès d'Avatar qui est "joué" pour moitié par des personnages aussi virtuels que des personnages de roman ou de dessin animé. Voilà, les acteurs de Bresson sont les avatars de sa pensée.

Sa démarche me semble proche de la mienne mais c'est sans doute la caractéristique des grands que de susciter l'identification. Bresson appelait ses acteurs des modèles mais aurait pu les nommer des non-acteurs. Moi aussi je préfère "utiliser" des non-modèles pour mes tableaux. Pour qu'elles soient elles! Mais une fois encore, l'analogie s'arrête là car si je peins souvent plusieurs tableaux d'après le même modèle, Bresson n'aimait pas qu'on retrouve les mêmes acteurs dans plusieurs films parce que qu'on y croyait pas, car il fallait du temps pour admettre qu'untel fut ceci ou cela contrairement au film précédent dans lequel on l'avait vu aussi...
Je crois plutôt qu'il n'aimait pas la concurrence et que s'il devait y avoir une vedette dans le film, ce devait être lui! Et puis utiliser des non-acteurs était la garantie de ne pas les trouver employés dans les films d'autres réalisateurs. La meilleure preuve c'est qu'aucun de ses acteurs n'a fait de grande carrière. Mais de fait chaque interprète est attaché à son film de manière totalement unique. C'est toute la force de son travail.

Quant-à garder l'image "intacte", je crois qu'il veut parler de l'image mentale qu'il a du rôle que doit jouer, disons comme lui, son modèle, qu'il veut déjà proche du rôle qu'il leur destine.

Zegatt, comme le nom de la rose, "Jeune fille" est un roman initiatique. Même si les personnages sont réels, ils sont aussi totalement romanesques. Anne Wiazemsky a réussi à transformer sa vie en roman.

zocat a dit…

Tes précisions sont très intéressantes, merci! et je suis assez d'accord avec cette réflexion (tu vois, des fois ça arrive :P )

Que veux-tu je suis toujours méfiante des raccourcis au cinéma. cela va tellement vite de croire à des idioties sur l'objectivité de l'image et de la confusion rôle/acteurs, sujet oh combien sensible...

MiB a dit…

Pickpocket est le film que je préfère de Bresson avec Journal d'un curé de campagne.
Bresson a toujours dis qu'il refusait que ses acteurs jouent... qu'i fallait arrêter d'aller au cinéma pour voir des performances d'acteurs ou simplement les voir jouer.
Il privilégiait la mise en scène, le montage et le travail sur le son, l'acteur faisant partie d'un tout en quelques sorte, utile, mais pas la "pièce maitresse" de ses films...

Hubert de Lartigue a dit…

Bravo pour ta culture cinématographique qui ne cesse de m'étonner Michel. Moi j'ai deux DVD, Au hasard Balthazar et Pick Pocket, mais je ne les ai pas encore vus! Je retarde encore le moment de leur découverte. Je sais que je vais les aimer. Mais pas tout de suite. J'aime attendre.

MiB a dit…

Bon films alors, Hubert !
(commence par Pick Pocket..)